Sur ces canevas, les comédiens inventent des dialogues. Chaque acteur possède un répertoire de morceaux « passe-partout » appris par cœur et les ressert au fil des pièces, constituant en cela de véritables patchworks langagiers. La pièce devient une sorte de création collective.
D’autre part, les scènes étant plus juxtaposées que liées organiquement, ce sont les lazzi qui facilitent la liaison entre les scènes ou les interventions pour donner une parfaite fluidité à l’action. Ce sont des intermèdes comiques, le plus souvent inutiles à l’histoire elle-même, qui réunissent tout le burlesque de la commedia dell’arte : acrobaties verbales et gestuelles, pantomimes, postures, grimaces et travestissements. Ils peuvent donc être verbaux, paraverbaux, corporels ou musicaux. Ils sont le plus souvent codifiés et mentionnés par leur nom dans le canevas. Ils sont en général joués par les zanni (valets).
La commedia dell’arte se caractérise aussi par ses personnages, issus des atellanes, farces populaires latines du III° avant J.C. mettant en scène des types caricaturaux. Ceux-ci ont constitué, au fil des temps, de véritables familles, d’autant plus que chaque acteur a fini par se spécialiser dans un type propre (le valet, le pédant, le docteur, l’amoureux, etc.) et a fait évoluer son personnage. Une troupe de commedia dell’arte se compose généralement de : deux zanni ou valets principaux (Arlequinet Brighella), deux vieillards (Pantalon et Le Docteur), deux amoureux (par exemple, Cynthio et Isabelle), une soubrette (par exemple, Colombine), un soldat (par exemple, Matamore) et des zannis secondaires (Polichinelle,Pierrot, etc.). Tous les personnages, à l’exception des amoureux et des servantes, sont masqués. A l’origine, ce sont les « maschere » (masques) du Carnaval italien : demi-masques qui commencent en haut du front et s’arrêtent sur les pommettes. Les masques sont non seulement un attribut du personnage, mais presque un portrait. Et, puisque le visage masqué ne peut exprimer les émotions, c’est le corps qui s’en charger, d’où la grande importance de la gestuelle et de la voix dans la commedia dell’arte.
A partir de ces personnages-types, chaque troupe peut jouer des centaines d’intrigues différentes, mais le schéma canonique de la commedia dell’arte est la très connue histoire d’amoureux dont les vues sont contrariées par les pères et favorisées par les zannis. Le principal maître d’œuvre en est le hasard heureux ou malheureux. Le dénouement de l’intrigue, qui survient toujours à la suite d’un coup de théâtre, révélant l’identité ou l’histoire familiale des protagonistes. Celui-ci, le plus souvent invraisemblable, est toujours heureux et le mariage peut avoir lieu.
Dès leur création, les compagnies italiennes de commedia dell’arte ont émigré et ont été accueillies à Paris, dans le cadre du théâtre de la Foire, qui se tenait sur les foires Saint-Germain et Saint-Laurent. En 1576, Henri III fit venir celle desGelosi, dirigée par Flaminio Scala, dit Flavio. Au XVII°, les compagnies les plus célèbres triomphaient à l’Hôtel de Bourgogne. Puis, plusieurs troupes jouèrent au Palais Royal, en alternance avec la troupe de Molière, de 1653 à 1697, date de leur expulsion sur ordre de Louis XIV, suite à une satire dirigée contre Mme de Maintenon. Elles furent expulsées de France et triomphèrent dans les autres cours européennes. Elles revinrent en France en 1716, sous la Régence.
La commedia dell’arte a donc pu avoir une influence importante sur le théâtre français, d’abord sur la farce, ensuite sur la comédie. Elle les a influencés par le jeu, les situations et les personnages (valets, vieillards et médecins pontifiants). En adaptant ses procédés à la culture française, les auteurs de notre corpus ont pu faire évoluer leur art en le portant très haut et en créant de très grandes comédies.
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