- il propose directement des idées au service de sa thèse (appelées arguments), c’est-à-dire des éléments de preuve destinés à l’étayer,
- il réfute la thèse adverse à l’aide d’idées ad hoc (appelées contre-arguments), puis développe la sienne,
- il accepte ou feint d’accepter (concéder) certains points de la thèse adverse, puis développe la sienne (il est vrai…, mais…).
Dans chaque cas, l’émetteur présente ses arguments de manière progressive et ordonnée dans le cadre d’un raisonnement logique (par déduction, par induction, par analogie, par l’absurde, etc.). De plus, il illustre ses arguments par des exemples variés (anecdotes, références, etc.). Les arguments utilisés pour convaincre sont donc rationnels.
Pour persuader le destinataire, l’émetteur s’adresse à ses sentiments. Il le fait adhérer à sa thèse, non pas grâce à un raisonnement logique (comme pour convaincre), mais en le touchant (amusement, rire, pleurs, etc.). Pour ce faire, il utilise des images (comparaisons, métaphores, personnifications, etc.) qui font naître chez lui une émotion, des procédés oratoires (apostrophes, questions rhétoriques) qui l’interpellent et attirent son attention et une ponctuation exclamative qui communique l’émotion de l’émetteur (joie, peine, indignation, etc.). Il fait donc appel à des arguments affectifs. Mais, une bonne argumentation joue à la fois sur le persuader et sur le convaincre. C’est pourquoi, l’on peut trouver un discours présentant un schéma argumentatif avec des figures de style et un discours persuasif s’appuyant sur une argumentation logique.
Délibérer, c’est débattre de deux opinions différentes en vue de prendre une décision : c’est effectuer un choix. La délibération s’opère à plusieurs (dialogue) ou peut se mener seul (monologue délibératif). Pour délibérer, il faut faire des hypothèses, peser le pour et le contre et parvenir à une conclusion. L’essai, le dialogue et l’apologue sont des genres littéraires particulièrement adaptés à l’expression d’une délibération.
Selon l’effet que l’émetteur veut produire sur le destinataire, on distingue plusieurs registres de l’argumentation, dont :
- le registre polémiquequi vise à obtenir l’adhésion du destinataire en dénonçant une situation ou un comportement jugé aberrant ou scandaleux ; il utilise un ton agressif, un lexique péjoratif, des figures dépréciatives, des métaphores dévalorisantes, etc. ;
- le registre satirique qui vise à détruire ce qui est dénoncé par le rire ou la raillerie ; il utilise l’ironie (antiphrases), des caricatures, des sous-entendus, etc.
- le registre didactique qui vise la transmission d’un savoir ou d’une morale ; il utilise un vocabulaire pédagogique, le mode impératif et le futur injonctif, une structure claire et apparente, etc.
La littérature et le discours argumentatif
La littérature peut être envisagée d’abord comme une distraction et une source de plaisir pour le lecteur. Par son pouvoir d’évasion, elle lui permet de quitter le monde réel pour un monde d’illusion. Ce besoin de rêver est une aspiration fondamentale de l’homme qui veut fuir ses responsabilités. C’est pourquoi, nombre d’œuvres ont le pouvoir de le transporter vers d’autres époques, de le faire voyager dans d’autres lieux ou d’autres milieux sociaux ou bien encore de lui faire connaître d’autres hommes, par le truchement des personnages, auxquels il peut aisément s’identifier. Le plaisir offert au lecteur peut être purement esthétique, comme par exemple dans la poésie lyrique. La littérature peut remplir aussi une autre fonction, développée plus ou moins consciemment par les écrivains de tous les temps : celle d’instruire. D’une part, elle permet au lecteur d’enrichir son vocabulaire et de développer ses facultés d’expression, d’autre part, elle lui apporte une source de réflexion. Elle lui permet de mieux se connaître, de s’interroger, voire de se remettre en question. On retrouve là une des préoccupations des auteurs classiques qui avaient pour mot d’ordre : « Placere et docere » (« Plaire et instruire »). Ils reconnaissaient le mérite d’une œuvre littéraire dès qu’elle remplissait la double mission de séduire et d’apporter une source de réflexion.
Mais, la littérature peut aussi servir le discours argumentatif, et c’est sans doute là sa principale fonction d’éducation. La littérature argumentative est porteuse d’idées qui ont contribué à changer l’homme et la société, c’est pourquoi on parle de littérature d’idées. Celle-ci a permis de mettre au jour les attributs de l’être humain et de la société, de les dévoiler à la population pour en vanter les vertus ou en vilipender les tares (comme par exemple dénoncer les injustices). Ainsi, en faisant passer leurs idées, les écrivains visent à développer l’esprit critique du lecteur. Cette littérature d’idées a également permis aux écrivains de se battre pour les valeurs qui leur tenaient à cœur (éthiques, politiques, sociales ou religieuses). Dans ce cas, on parle de littérature engagée (terme créé seulement au XX°), dont le but est de contribuer à l’amélioration de la société et des individus. Dans ce cas, la littérature ne naît pas pour elle-même, elle devient une arme de combat : en se servant des ressources du langage, les écrivains engagés entendent attirer l’attention d’un public large sur des problèmes et des dysfonctionnements sociaux et réclament des solutions. Ils investissent alors tous les genres (théâtre, poésie, roman, etc.).
La préoccupation des écrivains pour la condition humaine a traversé toutes les périodes de l’histoire littéraire selon des intensités variables, depuis les penseurs grecs et les écrivains romains, en passant par les humanistes du XVII°, les philosophes du XVIII° et les romanciers du XIX° jusqu’à nos jours. Mais, en formulant leurs critiques de façon directe (argumentation directe comme dans l’essai, le pamphlet, le dialogue d’idées, etc.), leurs écrits ont presque toujours occasionné des tensions entre eux et les détenteurs du pouvoir, garants de l’ordre public, voire des condamnations. C’est pourquoi, depuis le Moyen Age, les auteurs s’adonnant à ce type de littérature ont eu recours à divers procédés pour déjouer la censure (argumentation indirecte comme dans l’apologue, le conte philosophique, etc.).
De plus, la littérature permet au discours argumentatif de toucher un plus grand public. En effet, grâce aux divers procédés littéraires, le lecteur se sent concerné et sensibilisé sur des problèmes de sociétés et sur des causes variées. De plus, la littérature permet de faire passer des idées sans ennuyer le lecteur, contrairement à un discours purement argumentatif, écrit ou oral, qui, en présentant une liste d’arguments, peut l’ennuyer, voire le laisser insensible.
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