Même aujourd’hui, alors que nous sommes adultes, nous avons encore plaisir à réécouter ces récits (livres-audio), les lire (BD ou livres) ou voir leur adaptation cinématographique (films ou dessins animés). En effet, ceux-ci sont toujours présents dans notre société, que ce soit dans leur forme culturelle ou, depuis quelque temps, en développement personnel (Voir Le Saviez-vous N°1).
Notre corpus contient des récits merveilleux et des romans d’aventures. Si ces deux genres retrouvent, à l’instar de l’épopée et des romans de chevalerie, la tradition du conte (Voir Clin d’œil N°1) oral fondé sur l’enchaînement de péripéties, ils sont néanmoins deux genres littéraires très distincts que nous étudierons séparément.
1.1. Les récits merveilleux
Nous avons opté pour le terme « récits merveilleux », afin de pouvoir inclure le roman de Lewis Carroll. D’autre part, nous avons fait la distinction entre les récits issus de la tradition orale (Perrault) et ceux qui sont des créations d’auteurs (Andersen, Carroll).
Les contes merveilleux (Voir Le saviez-vous N°2) traditionnels ont été écrits à partir de la tradition orale. Ils étaient en vers, car du Moyen Age à la fin du XVII°, le merveilleux (Voir Clin d’œil N°2) n’intervenait pas dans la prose et était réservé aux épopées et aux poésies versifiées. C’est Charles Perrault (XVII°) qui fut le premier à s’affranchir de cette règle en publiant la plupart de ses contes en prose. Ainsi, à la fin du XVII°, un genre littéraire nouveau apparaît : le conte de fées.
Les contes de fées sont des récits brefs qui racontent des histoires (actions, épreuves, péripéties d’un héros) situées dans un passé lointain (« Il était une fois », « Jadis », « En ce temps-là ») et dans un monde sans cadre géographique précis (forêt, montagne, etc., ou même lieux fantaisistes). Ainsi, leur monde, qui est un monde de fiction, est-il bien séparé du monde réel de l’auditeur ou du lecteur. Ces récits permettent d’explorer un imaginaire (Voir Clin d’œil N°3) littéraire qui nous ouvre les portes d’un paradis perdu : celui de l’enfance, la nôtre et celle de l’humanité.
D’après le Dictionnairedes genres et des notions littéraires(Encyclopédie Universalis), le merveilleux littéraire est un effet provoquant chez le lecteur ou le spectateur une impression mêlée de surprise et d’admiration, que ce soit sur le public enfantin ou sur ce qui reste d’enfantin chez l’adulte, le plus souvent étouffé, mais présent dans ses rêves. Il ne nécessite aucune justification. Il se donne pour tel et n’entretient aucune ambiguïté entre ce qui existe réellement et ce qui paraît naturel. Contrairement au fantastique, il ne cherche pas à rationaliser et à expliquer le surnaturel. Il sous-tend une histoire heureuse dont on sait d’emblée qu’elle est fictive.
Dans les récits merveilleux, le merveilleux prend plusieurs formes : le divin, à travers des êtres surnaturels ; le magique par l’intermédiaire d’objets ou de puissances magiques ; ou bien l’humain avec des forces surnaturelles. Il réside principalement dans la présence de l’élément magique qui peut être représenté par des fées (personnages positifs), des ogres (personnages négatifs), des animaux ayant un caractère humain, des êtres humains ayant des dispositions magiques ou bien des animaux ou des objets ayant des qualités anormales.
La structure des contes a été largement étudiée. C’est Vladimir Propp (1895-1970) qui, dans son livre Morphologie du conte (Seuil, 1970) a inauguré l’analyse structurale du conte merveilleux, à partir des contes merveilleux russes traditionnels. Il a montré que celui-ci obéit à une structure unique reposant sur deux caractéristiques essentielles :
- présence de 7 personnages-types (ou rôles) : le héros, le faux-héros, le mandateur, l’objet de la quête, l’agresseur, le donateur, l’auxiliaire (le plus souvent l’objet magique) ;
- enchaînement de 31 fonctions dans le même ordre d’un conte à un autre (même si elles ne sont pas toutes présentes dans chaque conte), organisées en deux séquences à partir d’un manque ou d’un méfait initial jusqu’à sa réparation finale ;
La structure d’un conte peut en fait se résumer à cinq phases : la situation initiale(A) qui peut être bonne ou malheureuse ; la motivation de l’action (B) ou l’intrique qui prend sa source dans un manque, une épreuve, un danger ou une situation grave pour le héros ; l’action (C) que va réaliser le héros pour réagir par rapport à un manque, liquider un danger, essayer de passer une épreuve ou améliorer sa situation grave ; la récompense (D) qui peut avoir la forme d’un profit (le héros a réussi) ou d’un châtiment (le héros a échoué) ; la situation finale(E) qui peut être bonne ou mauvaise. Les phases B, C et D peuvent être répétées plusieurs fois dans un même conte.
La symbolique des contes de fées est toujours la même : la fée matérialise le souhait et le désir ; la sorcière symbolise la peur ; la vieille femme est garante de la sagesse et de la conscience ; la forêt représente le danger ; le roi est l’expression de l’accomplissement, de l’épanouissement et de l’équilibre.
La littérature du XVII° était particulièrement friande de morale. Ainsi, les récits merveilleux écrits à partir de la tradition orale comportent-ils presque toujours une intention morale ou didactique. En jouant sur les délices de la peur éprouvée dans la chaude sécurité du foyer familial, ils ont pour tâche principale d’aider l’enfant à se développer, à construire sa personnalité et à s’initier à la régulation sociale : ils stimulent son imagination ; ils développent son intelligence ; ils lui font intégrer beaucoup de connaissances sur son existence et celles des autres ; ils lui donnent envie de grandir ; ils lui permettent de construire son propre fantasme, en s’imaginant dans le rôle du héros ou de l’héroïne ; ils lui offrent des personnages sur lesquels il peut soulager sa colère ; ils l’aident à surmonter ses peurs et ses angoisses ; ils lui font prendre conscience de ses propres valeurs ; et surtout, ils lui montrent que le bien triomphe toujours du mal, car le manichéisme est une caractéristique essentielle du conte de fées.
Les récits merveilleux font appel à l’imagination de l’enfant à l’aide d’évènements merveilleux et quotidiens et lui montrent le monde sous une forme simplifiée. Les thèmes abordés sont presque toujours les mêmes : jalousie fraternelle, désobéissance, mensonge, inceste, etc. Mais, les récits merveilleux n’étaient pas seulement destinés aux enfants de l’époque : derrière la féérie et le merveilleux se cachait le plus souvent une histoire beaucoup plus complexe et critique de la société et des contemporains.
Si l’enfant est le destinataire symbolique des contes de fées, il nous faut, pour en saisir toute la portée, perdre notre raison, notre culture et nos habitudes d’adulte : il faut redevenir enfant. Leur universalité et leur profondeur symbolique leur permettent d’être lus, relus et racontés à n’importe quel âge. Et, si nous lisons moins qu’hier en raison des sollicitations trop fortes de l’image sous toutes ses formes, nous avons gardé notre nostalgie enfantine des belles histoires.
1.1. Les romans d’aventure
Jusqu’au XVIII°, les récits de voyages, notamment ceux des circumnavigateurs anglais (comme le capitaine James Cook), sont chargés de tempêtes, de pirates et d’explorations exotiques. Ils privilégient les connaissances rapportées par le voyageur. Celui-ci révèle la vérité des régions qu’il a visitées, des peuples qu’il a fréquentés, des choses qu’il a vues et ne dit rien de lui-même. L’expression de sa personnalité n’est pas la raison d’être des aventures qu’il rapporte. A la fin du XVIII°, le récit de voyage fait une mutation remarquable : il s’organise alors autour de la personnalité du voyageur, de ses sentiments et des aventures survenues lors de son voyage. L’un des précurseurs de ce type de récit est le roman Robinson Crusoé de l’anglais Daniel Defoe (1719), puisqu’il n’est pas destiné à faire découvrir d’autres régions du globe, mais à raconter l’aventure d’un homme qui lui est au centre du récit.
Longtemps étiqueté comme un genre populaire appartenant à une littérature de second ordre, méprisé par les élites cultivées, acceptable seulement pour la jeunesse, ce nouveau type de récit de voyage connaît un moment décisif dans son histoire avec la parution de L’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand (1811). Une nouvelle esthétique s’impose alors : un nouveau genre littéraire, désigné explicitement sous le terme « roman d’aventure », voit le jour.
Le roman d’aventure a connu son âge d’or de 1850 à 1950 : en France et en Angleterre, au moment de l’établissement des empires coloniaux ; aux Etats Unis dans le contexte de la conquête de l’Ouest. Le roman d’aventure est alors marqué par l’exploration du monde dit « sauvage », sa domination par l’Occident et sa transformation par la technologie moderne. En effet, le roman d’aventure du XIX° prend en compte le progrès technologique et scientifique qu’illustrent les nombreuses œuvres de Jules Verne, qu’elles exploitent les réalisations techniques du temps présent ou la projection dans le futur. Les auteurs les plus célèbres sont Walter Scott, Alexandre Dumas père, Fenimore Cooper, Louis Stevenson, Jules Verne, Rudyard Kipling ou Joseph Conrad.
Le roman d’aventure est un roman qui met particulièrement l’accent sur l’action, en multipliant les péripéties plutôt violentes, mais positives du héros, dans lequel le lecteur s’identifie. Son lectorat s’est étendu au XIX° avec l’alphabétisation croissante et s’est différentié sexuellement : les filles préférant le roman sentimental avec des aventures où la relation amoureuse joue un rôle moteur ; les garçons préférant les romans où l’affrontement du héros avec les autres prédomine. C’est ce dernier type que l’on définit alors comme la classe générale des romans d’aventure dont le type fondateur est Robinson Crusoé.
Mettant tout au service de l’action, l’auteur ne se préoccupe pas outre mesure de la vraisemblance des personnages, dont la psychologie est volontairement schématisée. De même, l’enchaînement des péripéties est le plus souvent dominé par le hasard, heureux ou malheureux, comme par exemple la découverte de la carte du trésor par Jim dans L’Ile au trésor. Enfin, l’auteur fait preuve d’une grande liberté de ton : si le registre dramatique domine naturellement, le registre pathétique est assez souvent présent et le registre comique, fondé sur la complicité avec le lecteur est assez fréquent.
Les thèmes récurrents du roman d’aventure sont la survie (Robinson Crusoé), la quête menant à l’exploit (Le tour du monde en 80 jours) et la quête pour trouver un trésor et faire fortune (L’Ile au trésor). En fait, les romans d’aventure sont des romans d’initiation. On y rencontre deux types d’aventuriers : ceux qui sont projetés dans l’aventure par des évènements extérieurs (Robinson Crusoé) ; ceux qui partent en quête d’aventures (Le tour du monde en 80 jours, L’Ile au trésor). Ces derniers ont pour précurseurs les héros des grandes épopées épiques (Roland, Les chevaliers de la Table ronde, etc.).
Comme les récits merveilleux, les romans d’aventure incitent le lecteur à porter un nouveau regard sur le monde et son environnement par l’intermédiaire de personnages qui, tout en étant fictifs, se fondent sur la réalité. Ils sont des miroirs qui reflètent avec justesse sentiments, angoisses, bonheur et espoir, en invitant le lecteur à s’interroger sur des sujets très divers.
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