55 % : selon une étude réalisée en 2019 par l’IFOP, c’est la part de Françaises qui disent avoir déjà été victimes d’une forme de sexisme ou de harcèlement sexuel au travail. Si les hommes peuvent aussi être concernés, les victimes de violences sexuelles sont, d’après une étude de l’INSEE, majoritairement des femmes – et dans 98 % des cas, les auteurs des violences sont des hommes.
Depuis quelques années, dans la Fonction publique comme dans le privé, de nouvelles mesures sont prises pour y remédier : circulaire du 9 mars 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans la Fonction publique (avec un axe de prévention, un axe de traitement, et un axe de sanction), accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique signé le 30 novembre 2018 (qui prévoit entre autres de « renforcer la prévention et la lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement et les agissements sexistes »), loi du 6 août 2019 de transformation de la Fonction publique et le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 – qui renforcent l’obligation de mettre en place un dispositif de signalement de ces actes et en précisent les modalités.
Sexisme, violences sexistes, violences sexuelles : de quoi parle-t-on ?
D’une blague déplacée au viol : où est le sexisme, où commencent les VSS ? Quelles sanctions encourent ses auteurs ? Un guide de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la Fonction publique, édité par la Direction générale de l’administration et de la Fonction publique (DGAFP), commence par les définir :
- Les agissements sexistes concernent les actions ou des paroles – y compris humoristiques ou sous couvert de bienveillance – qui véhiculent des stéréotypes liés au sexe et ont pour « objet ou effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (Article L. 131-3 du Code général de la fonction publique). Les agissements sexistes au travail peuvent donner lieu à des sanctions diverses, en fonction du contexte et de la gravité : du rappel à l’ordre à la sanction disciplinaire… Jusqu’à l’exclusion.
- Les violences sexistes et sexuelles peuvent être sanctionnées par l’employeur, mais peuvent aussi aller jusqu’au pénal. Elles comprennent : les injures ou la diffamation à caractère sexuel ou sexiste, les outrages sexistes, la diffusion de messages contraires à la décence, la captation et/ou la diffusion d’image impudiques, l’exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel (répété ou pas), l’agression sexuelle, le viol.
Quelles sont les obligations de l’employeur ?
De manière générale, les employeurs ont d’abord l’obligation de garantir aux agents des conditions de travail qui préservent leur santé et leur intégrité physique. Dans le cas des VSS, le guide de la DGAFP détaille toutes les obligations et démarches à suivre :
- Les employeurs publics ont une obligation de prévention, passant notamment par la formation et la sensibilisation (agents, élus, membres des comités sociaux…), mais aussi la mise en place d’une procédure de signalement, de traitement et de suivi des violences sexuelles et sexistes et des discriminations (rendue obligatoires par l’article L. 135-6 du CGFP)
- Ils doivent aussi s’occuper d’établir les faits, notamment en initiant une enquête administrative. En parallèle, en cas de faits vraisemblables et graves, ils peuvent déclencher des mesures conservatoires: protection fonctionnelle, suspension.
- Dans le cas de faits avérés, la protection fonctionnelle peut être mise en œuvre, ainsi qu’une procédure disciplinaire (ou un rappel à l’ordre, notamment dans le cas de faits de faible gravité), ou d’autres mesures détaillées dans le guide.
Des outils pour explorer et se former
Le sexisme et les VSS sont un sujet vaste et complexe, parfois difficile à identifier. La manière dont on peut y réagir n’est aussi pas toujours connue. C’est pourquoi de nombreux outils sont édités pour former et accompagner agents et employeurs dans la lutte contre le sexisme et les VSS. Citons-en quelques-uns :
- Guide « Lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans la Fonction publique: la bible des employeurs ! Il détaille la définition juridique des différents agissements, mais aussi toutes les démarches à mettre en place dans son administration, comment accompagner les agents, etc.
- Le kit de formation sur le harcèlement et les VSS en milieu professionnel: créé par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, il propose des outils aux formateurs et formatrices des agents et agentes des trois versants de la fonction publique. Il comprend entre autres un court métrage et un livret d’accompagnement.
- Le Kit d’action contre les violences sexistes et sexuelles au travail pour les collectivités territoriales du Centre Hubertine Auclert : bien qu’il soit à destination des collectivités territoriales, il peut servir de base de travail aux autres versants de la Fonction publique. Il comprend notamment des outils pour communiquer aux agents les démarches possibles s’ils sont confrontés à des agissements ou violences sexistes et sexuelles, et un livret à destination des employeurs.
- Le site Combattre le sexisme ordinaire du ministère des Armées. Sous forme de quiz, il permet de s’auto-former sur le sexisme, sur les démarches possibles quand on y est confronté, etc. Bien que dédié aux agents du ministère des Armés, la plupart des contenus sont valables à pour tous les versants de la Fonction publique.
- Le baromètre des violences sexistes et sexuelles en milieu professionnel: une simple image qui permet aux agents de définir le niveau de gravité des agissements dont ils sont victimes.
- L’initiative StOpE, Stop au Sexisme Ordinaire en Entreprise lancée en 2018 par Accor, EY et L’Oréal France, propose notamment un baromètre du sexisme ordinaire en milieu professionnel.
Quelle efficacité des dispositifs ?
En novembre 2022, dans l’introduction de son guide, la DGAFP souligne l’utilité du dispositif de signalement mis en place en 2021 dans la Fonction publique d’Etat : elle décompte 755 saisines enregistrées lors de la première année, dont 26 % pour des violences sexistes et sexuelles. Et « la qualification de 4 % d’entre elles a été confirmée, 3 % ont abouti à la sanction de l’auteur des faits », décompte le guide. Avant de poursuivre : « L’efficacité des actions de prévention, de traitement et de sanction de ces agissements peut être améliorée en favorisant la diffusion d’une meilleure connaissance et appropriation des moyens, procédures et options à la disposition des acteurs publics ».
Julie Desbiolles (Réseau Service public)