Transition écologique et administration : quels constats ? Entretien avec Alessia Lefébure
16 mai 2025

Transition écologique et administration : quels constats ? Entretien avec Alessia Lefébure 

Le 5 février dernier, l’association Une Fonction publique pour la transition écologique (FPTE) publiait les résultats de son enquête annuelle. Le constat est celui d’agents mieux formés et plus exigeants vis à vis de leurs employeurs. Entretien avec la présidente de l’association.

 

 

 

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Alessia Lefébure, Directrice de Sciences-Po Aix, sociologue engagée dans l’évolution des formations de la haute Fonction publique et dans l’accompagnement des agents face aux défis écologiques, fait le point sur ce que ressentent les agents vis-à-vis de la transformation écologique de l’administration.

Quels sont les objectifs de l’enquête annuelle réalisée par FPTE ?

Notre collectif s’est constitué en 2019 pour devenir association en 2021. Il rassemble des agents publics engagés pour intégrer les enjeux écologiques dans l’action publique.

Nous réalisons chaque année une enquête visant à mettre en lumière l’évolution des défis de la transition écologique au sein de l’administration française.

Notre enquête donne la parole aux agents publics pour qu’ils puissent s’exprimer sur les politiques de transition écologique, dans leur conception comme dans leur mise en œuvre.

C’est un moyen de rendre visibles les avancées mais aussi les impasses ou les contradictions de l’action publique. Son caractère annuel permet de suivre les évolutions : certaines préoccupations s’atténuent, d’autres émergent.

Quel est le rapport des agents publics à la transition écologique ?

Les agents se sentent concernés par la transition écologique, souvent avec une forte dimension éthique. Beaucoup expriment le sentiment d’avoir une responsabilité particulière du fait même de leur statut, au service de l’intérêt général. Ils perçoivent leur rôle comme structurant, non seulement dans la mise en œuvre des politiques publiques, mais aussi en termes d’exemplarité. « Si nous ne montrons pas l’exemple, comment convaincre les citoyens ? », résume un agent dans l’enquête.

Cette exemplarité attendue renforce l’implication personnelle, mais aussi le malaise lorsque les pratiques internes ne suivent pas les objectifs affichés. L’écart entre les discours et les actes est souvent mal vécu. Certains agents parlent même de « dissonance écologique » ou de « double contrainte institutionnelle » de charge mentale écologique, lorsque le soutien hiérarchique n’est pas au rendez-vous, que les formations ou moyens ne sont pas suffisants pour concrètement porter les ambitions environnementales.

L’engagement individuel est donc réel, mais il reste fragile s’il n’est pas soutenu par une stratégie globale, cohérente, et surtout incarnée à tous les niveaux hiérarchiques.

Comment les agents perçoivent-ils l’action de leur administration ?

Les agents publics perçoivent un réel progrès en matière de sensibilisation, mais ils soulignent avec constance un décalage entre les intentions affichées et les actes. La transition écologique est souvent abordée comme une priorité transversale, mais les décisions concrètes restent cloisonnées, parfois même contradictoires. Le besoin de vision systémique revient de manière récurrente.

Les agents aspirent à une mise en cohérence des instruments (marchés publics, ressources humaines, objectifs de performance, etc.) nécessaires à la traduction opérationnelle de la transition.

Les agents interviewés ont une forte attente sur le renforcement des actions concrètes de leur administration.

Quels sont les axes d’actions qu’ils estiment prioritaires au sein de l’administration ?

Trois priorités se détachent avec une constance remarquable depuis trois ans :

1. L’adaptation au changement climatique : isolation thermique des bâtiments, la désartificialisation des sols, la gestion de l’eau, et la réduction de la vulnérabilité des infrastructures, etc.

2. La sobriété énergétique et la mobilité durable : installation de panneaux photovoltaïques, remplacement systématique des véhicules thermiques par des modèles électriques, développement de l’usage du vélo, du covoiturage, et réduction des déplacements en avion.

3. La montée en compétences métiers : il ne s’agit plus seulement de sensibilisation générale. Les agents réclament des formations techniques, ciblées sur leur cœur de métier (droit, commande publique, urbanisme, achats responsables, etc.).

Quelles sont les innovations inspirantes que vous avez pu observer ?

Plusieurs expérimentations locales ou sectorielles sont perçues comme exemplaires, car elles articulent vision stratégique, ancrage local, et participation des agents :

L’Assemblée citoyenne du futur à Marseille
La labellisation “numérique responsable”
Les démarches d’accompagnement des usagers à la rénovation énergétique
Les Rencontres communales de la biodiversité
L’usage d’outils d’évaluation concrets comme la « boussole de la transition »
Le remboursement des surcoûts liés à la mobilité durable

Ces exemples partagent une même logique : donner du sens, créer du collectif, et aligner les actes avec les discours.

 

Propos recueillis par Séverine Bellina, réseau Service Public

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