Disponibilité dans la Fonction publique : retour d’expérience
15 septembre 2025

Disponibilité dans la Fonction publique : retour d’expérience

Pourquoi partir en disponibilité, comment faire, et qu’est-ce qu’on en retire ? Philippe Gambier, conseiller en organisation et chef de projet sur la stratégie en Intelligence artificielle à la ville de Montreuil, raconte ses deux ans de disponibilité.

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La disponibilité est un dispositif de mobilité qui permet à un fonctionnaire de quitter temporairement la Fonction publique (pour des durées variables selon la raison) : il n’est pas rémunéré, mais peut exercer d’autres activités. À l’issue, il peut démissionner, ou revenir dans la Fonction publique.

En 2022 et 2023, Philippe Gambier en a bénéficié : il a quitté son poste de conseiller en organisation à Ivry-sur-Seine pour développer son activité indépendante de conseil en organisation et formation. Aujourd’hui, il a réintégré la Fonction publique, cette fois à Montreuil, mais maintient une activité indépendante. Il raconte son expérience.

Quelle est votre activité professionnelle actuelle ?

Actuellement, je suis 80% du temps conseiller en organisation et chef de projet sur la stratégie autour de l’Intelligence artificielle (IA) à la ville de Montreuil, et à 20% autoentrepreneur dans le conseil en organisation et formation.

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai fait des études de sciences économiques. L’un des premiers tournants de ma vie professionnelle, ça a été mon service militaire : c’était un service civil que j’ai fait dans une agence locale pour l’emploi. Cette expérience m’a amené à diriger une mission locale en Seine-Saint-Denis. Puis j’ai eu l’opportunité d’intégrer la mairie de Rosny-sous-Bois pour travailler sur l’action internationale et le développement durable, et j’ai passé le concours d’attaché. Puis j’ai été recruté à Ivry-sur-Seine comme chargé de l’évolution des organisations, ce qui m’a permis de suivre une formation de conseiller en organisation à l’INSET de Montpellier. Lors de mes missions, j’ai exploité les leviers ludiques pour favoriser l’engagement des personnes que j’accompagnais. J’ai passé un diplôme interuniversitaire en ludopédagogie pour gagner en expertise dans ce domaine. Tout cela a nourri mon désir d’entreprendre, et m’a amené à mes activités actuelles.

 

C’est effectivement lorsque vous étiez conseiller en organisation à Ivry-sur-Seine que vous avez demandé une disponibilité. Pourquoi ?

Le fil rouge de mon parcours, c’est que j’aime travailler par mission. J’aime quand ce n’est pas répétitif, j’aime imaginer, trouver des solutions à des problèmes. Je trouve ça très stimulant.

J’avais déjà créé un jeu sérieux autour de l’innovation publique, je donnais des formations au CNFPT… Et c’est dans le cadre d’un coaching que mon projet d’entreprenariat en conseil en organisation et formation s’est formalisé, puis l’idée de la disponibilité. Mon idée n’était pas de quitter la Fonction publique, mais de faire autre chose, tout en ayant un filet de sécurité – pouvoir réintégrer la Fonction publique à tout moment. On dit souvent que ce statut est poussiéreux… Mais je trouve qu’il offre quand même plein de possibilités !

 

Qu’avez-vous fait pendant ces deux ans de disponibilité ?

J’ai rejoint une coopérative d’entrepreneurs et j’ai exercé une activité indépendante mêlant prestations de conseil et formation dans le domaine de la gestion de projets, du management et de la ludopédagogie. C’est ce que je faisais déjà à Ivry-sur-Seine, mais cela m’a permis de le faire à plus grande échelle, tout en gardant un lien avec le secteur public – puisque je suis intervenu dans d’autres administrations, partout en France. J’ai aussi pu utiliser le jeu sérieux sur l’innovation publique que j’avais créé.

 

Comment s’obtient une disponibilité ? Quelles démarches faut-il faire ?

Dans mon cas, la préparation est intervenue un an et demi avant : le coaching m’avait donné l’idée, et j’ai donc clarifié mon projet, et mis de l’argent de côté. J’ai aussi pris contact avec la directrice générale des services, qui m’a accordé, un an avant la disponibilité, de passer à 80% afin de préparer mon projet.

Au niveau administratif, la démarche en elle-même n’est pas très compliquée : c’est un courrier à faire sous un certain délai. Par contre, l’employeur a le droit de refuser pour nécessité de service.

Je me souviens aussi qu’il fallait que je justifie d’une activité professionnelle pendant la période de ma disponibilité pour maintenir mon droit à l’avancement.

 

Pourquoi êtes-vous revenu dans la Fonction publique ?

Au bout d’un an, j’ai renouvelé ma disponibilité. En 2023, j’allais le faire à nouveau, mais la ville de Montreuil m’a offert cette possibilité de travailler autour de l’IA, qui est un sujet qui m’intéresse particulièrement : je me suis donc assuré que je pourrai être à 80% et maintenir une petite activité indépendante, et j’ai accepté.

 

Quels enseignements retirez-vous de cette expérience ?

Des découvertes ! J’ai d’abord découvert le monde de la coopérative, avec des gens qui sont dans un esprit d’indépendance, tout en étant reliés à du collectif. Ça a aussi été une ouverture, la possibilité de participer à des projets ailleurs, sur d’autres territoires, dans d’autres administrations.

J’ai aussi développé des compétences : rédiger une proposition commerciale, sécuriser sa trésorerie, s’inscrire dans une démarche Qualiopi… Et gérer plusieurs activités en même temps.

Ça m’a aussi permis, en réintégrant la Fonction publique à l’issue des deux années, de renforcer mon attachement au service public, et plus précisément à l’échelon communal : j’aime cette proximité, cette capacité d’intervenir sur le quotidien des administrés, cette connexion au territoire.

 

Quels impacts a eu cette expérience dans votre vie professionnelle actuelle ?

J’ai l’impression d’avoir trouvé l’équilibre gagnant. À la fois, j’ai une activité stable – car l’instabilité est une grande source de stress lorsque l’on est indépendant -, sur des sujets qui m’intéressent, tout en ayant du temps pour une petite activité indépendante par laquelle j’entretiens et je capitalise ce que j’ai fait pendant trois ans.

 

Quel conseil vous donneriez à quelqu’un qui aurait envie de prendre une disponibilité ?

Je dirais d’abord, anticiper : clarifier son projet, son intention. Ensuite, être transparent avec son employeur : la disponibilité n’est pas de droit, il faut son aval.
Et surtout… Y aller ! Quelle qu’en soit sa raison, la disponibilité permet de tester quelque chose, tout en ayant une sécurité. Si l’on en a l’envie et la possibilité, je trouverais ça dommage de ne pas se lancer. Ce genre d’expérience est précieuse dans une carrière !

Propos recueillis par Julie Desbiolles

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