Le renouvellement des fonctionnaires est un enjeu fondamental pour le service public. Un agent sur trois a plus de 50 ans et les jeunes se présentent de moins en moins aux concours. L’attractivité des jeunes est donc stratégique : ils sont les recrues de demain, les porteurs de transformations et les garants de la continuité des services publics.
Johanne Fora-Porthault est aussi directrice de programme au ministère de la Transition écologique. Elle fait au quotidien des liens entre son travail et les réflexions conduites à FP21 au service de l’innovation publique. Interview.
Les jeunes sont-ils attirés par le service public ?
Oui !
La Fonction publique arrive en seconde place des secteurs attractifs pour les nouvelles générations selon la récente étude de l’Institut Montaigne. Le sens et l’intérêt général restent une motivation forte pour eux. La diversité des missions également : la mobilité choisie, pas subie, qu’offre la Fonction publique les séduit. La stabilité de l’emploi quant à elle, n’est plus un critère prioritaire pour les jeunes !
Mais beaucoup repartent au bout de trois ans, faute d’accompagnement, comme le constate la Direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP). Dès l’entrée en fonction, les jeunes veulent progresser et être accompagnés. De même l’absence de perspectives d’évolution ou des conditions de travail perçues comme rigides (manque d’agilité, télétravail mal articulé) voire mal respectées (température dans les bâtiments, outils de travail…) sont des causes de départ.
Qu’attendent les jeunes de la Fonction publique ?
Ils recherchent un environnement de travail qui leur permettent d’avoir un équilibre vie professionnelle-vie privée (personnelle comme associative), et qui reconnait leurs engagements personnels et para-professionnels comme source de nouvelles compétences.
Les jeunes veulent un employeur écologique qui intègre l’ambition environnementale dans ses missions comme dans son management. Deux sur trois se disent prêts à changer d’employeur si celui-ci n’agit pas assez.
Sur l’égalité et la diversité, ils réclament des pratiques concrètes : recrutements transparents, parcours de carrière équitables, politiques RH sensibles à la parentalité et aux parcours atypiques. La diversité cognitive émerge aussi comme enjeu managérial pour certains.
Quant à l’intelligence artificielle (AI), elle les attire et les inquiète à la fois. Les jeunes attendent de la transparence sur l’usage de l’IA, des formations pour maîtriser ces outils et des cadres éthiques et souverains pour protéger le service public.
Ces aspirations sont-elles contradictoires avec celles des autres générations ?
Non, pas intrinsèquement.
Les jeunes expriment souvent des attentes que les autres générations n’osaient pas affirmer. Les nouvelles générations font moins de compromis sur certains aspects de leur vie professionnelle, mais les avancées sociales qui en découleront seront au bénéfice de tous.
C’est pourquoi, il faut une politique RH intergénérationnelle qui combine reconnaissance de l’expérience et adaptation aux attentes nouvelles (flexibilité, sens, outils numériques). L’enjeu est de moderniser sans négliger la stabilité, en tirant parti de chaque compétence (le mentorat intergénérationnel).
Quelles actions mettez-vous en place à FP21 pour renforcer l’attractivité de la Fonction publique ?
L’association mise sur trois leviers pour conjuguer attractivité et fidélisation :
- L’organisation de rencontres : nous organisons des afterworks, conférences, événements pour créer du lien, du réseau et révéler des opportunités.
- Nous produisons des travaux réflexifs : livres blancs, notes et ateliers sur l’IA, l’écologie ou le management, pour influencer les pratiques.
- Nous développons des partenariats : avec des écoles ou institutions pour rapprocher les formations et les métiers, et mettre en valeur les voies de promotion interne, à l’heure où 33% (toujours selon la DGAFP) des jeunes agents quittent la fonction publique par manque de perspective.
L’objectif de nos actions est double : améliorer la première expérience professionnelle de nos membres, et faire évoluer l’image même de la fonction publique (moderne, utile, formatrice) et ses pratiques.
Pouvez-vous nous citer des exemples d’initiatives impactantes en matière d’attractivité des jeunes ?
- La Fabrique de la fonction publique, journée d’échanges et d’ateliers organisée avec Atraksis, La Cordée et Profil Public, qui a débouché sur un livre blanc dans lequel nous revenons sur la notion d’attractivité. Nous proposons de réformer concours et jurys pour dépasser les biais cognitifs et instaurer de nouvelles méthodes ainsi que de renforcer diversité et inclusion dans le recrutement et l’expérience des agents.
- Le Guide candidat, publié par Profil Public avec FP21 et la CASDEN Banque Populaire, qui aide à comprendre les modalités de recrutement dans la fonction publique (rémunération, mobilité, titularisation, etc.). C’est un outil pratique pour aider les jeunes à entrer dans la fonction publique, s’y orienter et s’y projeter.
Comment les jeunes rêvent-ils la Fonction publique de demain ?
Agile, écologique, inclusive et éthique : voilà la vision portée par les nouvelles générations. Elles veulent un management ouvert au dialogue et à l’innovation, une mobilité choisie, des employeurs soucieux de les faire monter en compétence et qui inscrivent la transition écologique au cœur de leurs missions.
La nouvelle génération veut une Fonction publique cohérente avec les enjeux d’aujourd’hui et qui prenne soin de ses agents autant que de ses usagers, quitte à bousculer certaines habitudes.
Propos recueillis par Séverine Bellina, Réseau Service Public
