Cumul d’activités dans la Fonction publique : zoom sur l’autoentreprise.
15 décembre 2025

Cumul d’activités dans la Fonction publique : zoom sur l’autoentreprise.

Créer une autoentreprise en étant agent public, c’est possible… mais très encadré. Zineb Lebik, directrice du département Expertise du Centre interdépartemental de gestion de la grande couronne d’Île-de-France et référente déontologue, explique le cadre et les précautions à prendre.

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Compléter son salaire, exploiter une passion ou valoriser son savoir-faire : les agents publics peuvent exercer une activité privée lucrative en parallèle de leur emploi, mais à titre exceptionnel. Le cumul d’activités est strictement encadré par le Code général de la Fonction publique (CGFP). (Voir notre article précédent sur le sujet).

Zineb Lebik, passionnée du droit de la Fonction publique est aussi maîtresse de conférence en droit public à l’Université Panthéon Assas. Interview.

Quelle est la logique qui encadre le cumul d’activités dans la Fonction publique ?

Le principe est simple : l’agent doit consacrer l’intégralité de son activité professionnelle à son emploi public, sauf exceptions prévues par les textes. Dans tous les cas, l’activité doit être exercée hors du temps de travail et sans utiliser les moyens du service.

Dans son rapport de 1999, « le cumul d’activités et de rémunérations des agents publics », le Conseil d’État a rappelé la double finalité de ce régime. Il s’inscrit dans les obligations déontologiques des fonctionnaires (la prévention des conflits d’intérêts, de la prise illégale d’intérêts ou des atteintes à la probité) et poursuit aussi un objectif social : éviter le cumul de deux emplois à temps plein et encadrer la création d’entreprise, notamment par l’obligation de temps partiel.

S’applique-t-il à tous les agents publics ?

Oui, à toutes les catégories et à tous les statuts. Seule la quotité de travail influe : un agent travaillant moins de 70 % d’un temps complet (environ 24 heures hebdomadaires) n’est pas soumis au régime du cumul, puisqu’il ne perçoit pas une rémunération complète.

Un agent public peut-il devenir autoentrepreneur ?

Oui. Tout agent public, peut cumuler son statut avec celui d’autoentrepreneur, à condition de respecter l’ensemble des règles déontologiques applicables.

Les exemples d’agents publics souhaitant devenir autoentrepreneurs sont nombreux. Je suis régulièrement sollicitée en tant que déontologue pour émettre un avis :

  • un policier municipal souhaitant faire du coaching sportif : autorisé, au titre des activités accessoires à caractère sportif ;
  • un agent d’état civil voulant créer une activité de gestion administrative : un temps partiel est alors indispensable ;
  • un agent souhaitant devenir sophrologue : temps partiel requis également ;
  • un agent souhaitait créer autoentreprise de jardinage : possible uniquement pour de petits travaux chez des particuliers et sans usage du matériel de la collectivité ;
  • une auxiliaire de puériculture en crèche publique souhaitant développer une activité d’accompagnement des jeunes parents : autorisé sous réserve d’éviter toute confusion avec ses missions en crèche. L’agente ne devait donc ni en parler aux parents de la crèche, ni utiliser sa qualité d’agente publique dans son activité d’autoentrepreneur.

Même logique pour les agents devenant créateurs de contenus ou influenceurs : aucune interférence avec les missions publiques ne doit exister.

Quelles sont les obligations des agents ? 

Il existe deux cas de figure :

  • Pour les autoentreprises dont l’objet relève des activités accessoires listées à l’article R.123-8 (formation, conseil, enseignement, activités sportives, vente de biens fabriqués personnellement…) une autorisation préalable suffit. Aucun temps partiel n’est requis.
  • Pour les autoentreprises dont l’objet ne figure pas parmi les activités accessoires:

L’agent doit demander un temps partiel pour création d’entreprise. Sans cela, aucune autorisation ne peut être accordée. L’autorisation ne peut excéder une durée totale de quatre ans.

Quelles sont les démarches à effectuer et les point de vigilances ?

Pour créer une autoentreprise afin d’exercer une activité privée en parallèle de son emploi public, plusieurs points essentiels doivent être respectés :

  1. Solliciter l’autorisation AVANT de créer l’entreprise.
  2. Le projet doit être décrit de manière suffisamment précise pour permettre une analyse exacte de la réglementation applicable.
  3. En cas d’accord, l’employeur définit les modalités encadrant le cumul d’activités.
  4. Tout élargissement ou modification de l’objet de l’entreprise doit être signalé à l’employeur dans les meilleurs délais.
  5. Une vigilance permanente est nécessaire pour prévenir toute situation de conflit d’intérêts ou d’atteinte à la probité.

Et si l’agent était autoentrepreneur avant de devenir agent public ?

Il doit le signaler lors de son recrutement. Si l’activité n’est pas une activité accessoire, il peut la poursuivre un an, renouvelable une fois. Au terme des deux ans, il devra choisir entre son activité publique et son activité privée.

Quels sont les risques en cas de non-respect des règles déontologiques ? 

Les sanctions peuvent être disciplinaires, mais aussi pénales en cas de prise illégale d’intérêts. L’agent doit également rembourser intégralement les revenus tirés d’une activité non autorisée : par exemple, un agent a dû reverser 47 549 € perçus au titre d’une activité libérale exercée sans autorisation (CAA Versailles, 12 oct. 2023).

De manière générale, les agents publics respectent les règles de cumul d’activités. Pour autant, certains par méconnaissance ou par indélicatesse passent. La jurisprudence en la matière tend à s’étoffer et les contrôles se renforcent, notamment grâce au développement des outils numériques.

Que faire en cas de doute ? 

S’adresser au référent déontologue, accessible gratuitement et en toute confidentialité. Il accompagne les agents dans l’analyse de leurs projets et dans le respect du cadre déontologique. Il ne faut jamais hésiter à demander conseil, rappelle Zineb Lebik.

 

Propos recueillis par Séverine Bellina, réseau Service public

 

 

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