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« L’innovation est la seule sortie par le haut qui s’impose »

Président de l’Association des administrateurs territoriaux de France (Aatf), Fabien Tastet, lui-même directeur général des services du T11, établissement public territorial couvrant le territoire le plus vaste de la Métropole du Grand Paris (16 communes, 306 000 hab., Val-de-Marne), explique pourquoi l’innovation doit devenir la nouvelle règle publique.

- C’est aujourd’hui un leitmotiv : il faut faire plus avec moins. L’innovation serait-elle la richesse de ceux qui n’en ont plus ?

Une certitude : la raréfaction des ressources contraint à changer. Qui soutiendrait aujourd’hui que nous puissions conserver nos organisations publiques et leurs modes managériaux en l’état ? Or, si l’on ne veut pas réduire la quantité et la qualité de service public, à l’heure où la société en a justement le plus besoin, il faut impérativement trouver les voies permettant de porter ces ambitions sans nier la réalité. L’innovation est la seule sortie par le haut qui s’impose.

 

- Mais parler d’innovation publique, n’est-ce pas un oxymore ?

Contrairement aux poncifs, les administrations publiques savent se moderniser, non seulement concevoir de nouvelles politiques mais même le faire différemment. Depuis 2014, la semaine de l’innovation publique (lien http://www.modernisation.gouv.fr/la-semaine-de-linnovation-publique/presentation-de-la-semaine-de-linnovation-publique) met en exergue ce mouvement de fond aux initiatives, ici et là très concrètes, en termes d’accueil des publics, de numérisation, etc. Certes, sans doute est-ce plus complexe pour l’État, à la structure encore très centralisée et hiérarchisée, ou pour les hôpitaux, sous tutelle ; mais les collectivités se situent fort bien en la matière, leur diversité, leur autonomie et leur fonctionnement en réseaux constituant un terreau fertile.

 

- Innover dans l’offre est une chose, le faire en interne en est une autre. Pourquoi l’innovation managériale est-elle si rare au sein des administrations ?

Là encore, je m’inscris en faux face à certains clichés assurant que l’innovation managériale émerge du secteur privé. Ainsi les 900 agents de ma propre structure, créée en janvier sur la base de trois intercommunalités, ont-ils été sollicités pour en construire le nouvel organigramme et 38% des 620 propositions reçues ont été portées à ce dernier. Quel groupe peut se targuer d’une démarche analogue ? Le statut fournit en réalité un excellent cadre d’innovation permettant d’impulser des organisations « plastiques » et réactives. Sachons en utiliser toutes les potentialités !

 

- La formation des cadres est-elle en question ?

Sans doute la formation initiale des dirigeants publics n’est-elle pas suffisamment tournée vers la prise de risque. Il faut des cours d’audace, ainsi que l’apprentissage de la confiance, pour accepter l’erreur inhérente à l’innovation. Il faut également des espaces de confrontation et d’échange, car on ne peut innover isolé. Le lab’AATF, par exemple, est fait pour cela (en savoir plus ici). Après des années adonnées au culte weberien, nous devons nous préparer désormais à assumer le processus de « destruction créatrice » cher à Schumpeter.

 

 

Propos recueillis par Laurence Denès du Réseau Service Public. 


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